Née d’une tenace détermination de resserrement, La Nouvelle Revue des Sciences Sociales porte en elle les empreintes vivaces de l’écartèlement. Son ancêtre, la Revue des Sciences Sociales, n’a enfanté que cinq numéros entre 2005 et 2017. Un record de...parcimonie. Une parcimonie symptomatique, au sens clinique du terme, du parcours chaotique des sciences sociales en Algérie. Des disciplines au devenir aussi aléatoire qu’incertain. Se trouvant, de ce fait, sacrément désorientées, pour ne pas dire ligotées. Engourdies, transies, ankylosées. Et par conséquent, souvent minorées.   

Aussi parmi les vibrations et les pulsations fondatrices de La Nouvelle Revue des Sciences sociales figure, de façon explicitement privilégiée, la volonté de renouer avec les nécessités de questionner les textures et les statures des formes de normativité dans le développement de la connaissance de la société. Sapant, ainsi, les fondements de toute axiomatique unitaire, prétendant légitimer des lois ou des choix consacrant des artefacts comme critères valides d’intelligibilité.

Dans cet effort d‘exigence de pertinence, trois ambitions fondatrices animent intrinsèquement, La Nouvelle Revue des Sciences Sociales :

Décrypter dans le luxuriant magma des foisonnements questionnatifs, les postures des difficultés et des entraves multiformes, qui se dressent, tels des obstacles infranchissables, devant les élans de créativité dans la connaissance sociétale en Algérie.

Réfléchir, ensuite, sur la nature des objectivations possibles de la connaissance de la société en tant que pratiques signifiantes, façonnées dans et par le social-historique algérien.

Chercher, enfin, dans cette double relation, les possibilités de remettre en question les protocoles même de validation qui guident cette réflexivité.

La passion de savoir qui habite et anime la sève créatrice de  La Nouvelle Revue des Sciences Sociales, témoigne également de ce florilège d’espoirs d’apprendre et d’une constellation de désirs de comprendre, qui s’étaient mis, durant une longue parenthèse, dans une tonalité de latence, au creux d’une douloureuse et malheureuse digression socio-historique. Mais qui ne saurait s’y inscrire comme une quelconque destinée des sciences sociales, frappée d’une fatale irréversibilité.

Depuis plusieurs années, en effet, les bruissements de l’inquiétude intellectuelle, couplés aux élans critiques passionnels de ces disciplines, sont frappés d’un dissipatif et frileux isolement, pour ne pas dire d’un glacial recroquevillement.

A présent, il s’agit de fausser compagnie à la destinée du désarroi. De contribuer activement à réinterpréter la reconfiguration des fondements et des cadres neufs, récents, naissants, de la vie et de la pensée sociale en Algérie. De saisir, avec force, les nouveaux liens qui se tissent entre pensée et société. Et de lire les nouaisons colorées et prometteuses du social-cognitif algérien, en réinventant des formes d’imaginativité audacieusement exigeantes, résolument entreprenantes, hardiment congruentes, mais implacablement décapantes. Permettant de contribuer, ainsi, à mieux lire ces nouveaux liens entre savoir et société, entre connaissance et socialité. Mais comment assumer l’urgence du renversement des approches habituelles, des approches rituelles qui confinent ces disciplines dans une insondable léthargie ? Comment nous atteler à réapprendre à mordre avec un féroce appétit sur les mouvements du réel dans toutes ses âpretés ? Les sciences sociales peuvent-elles s’accommoder d’une rhétorique du silence au moment où le spectre de leur négation semble s’ériger en Totem sur l’aspérité même de leur existence ?

La Nouvelle Revue des sciences sociales est née de cet élan d’inquiétude, nourrissant l’humus de l’appétence d’embrassement de quelques fragments de questionnements, de quelques figures, de quelques bribes vivantes et vibrantes des multiples pans de notre socialité, inexplicablement mais durablement impensés.

Il est, pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore, impérieux de quitter l’immersion dans l’éthique mortifère de la diffluence, afin de réconcilier les sciences sociales avec une partie de leurs promesses.

Rabeh Sebaa